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Résumé du parcours de Kais Saïed depuis le coup d'État

Kais Saïed : Du coup d'État à la dictature en Tunisie

 En juillet 2021, la Tunisie a connu un tournant décisif avec le coup d'État politique orchestré par le président Kais Saïed. Cet événement marquera le début d’une dérive autoritaire qui a profondément modifié le paysage politique tunisien, mettant en péril les acquis démocratiques issus de la Révolution de 2011. Depuis lors, Saïed n’a cessé de concentrer ses pouvoirs, modifiant les institutions et limitant les libertés publiques, transformant progressivement la Tunisie en un régime à tendance dictatorial.


Le coup d'État de juillet 2021 : Suspension du Parlement et des institutions

Le 25 juillet 2021, Kais Saïed annonce la suspension de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le Parlement tunisien, à la suite de la crise politique exacerbée par la gestion de la pandémie de Covid-19 et les tensions sociales croissantes. Il limoge le gouvernement dirigé par Hichem Mechichi et prend le contrôle des affaires exécutives, prétextant que cette mesure était nécessaire pour sauver le pays du chaos. Il justifie son action par l’article 80 de la Constitution de 2014, qui autorise le président à prendre des mesures exceptionnelles en cas de menace sur l’ordre public.


Cependant, cette décision a été largement perçue comme un coup d’État, car elle met fin de facto au système de séparation des pouvoirs instauré par la Constitution de 2014. Dès le lendemain, des milliers de partisans de Saïed ont célébré dans les rues, mais la décision a aussi suscité une vive opposition parmi les partis politiques, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et les défenseurs des droits humains.


La prise de pouvoir totale : La révision constitutionnelle et le contrôle des institutions

Après avoir suspendu le Parlement et pris des mesures exceptionnelles en 2021, Saïed a amorcé un processus de concentration des pouvoirs. Le 22 septembre 2021, il annonce un décret qui lui permet de gouverner par décret, sans l’aval d’un Parlement suspendu, affirmant qu’il rétablirait une "nouvelle république" pour sortir de la paralysie politique.


En juillet 2022, Saïed organise un référendum sur une nouvelle Constitution qui a profondément réécrit les règles du jeu politique en Tunisie. Le texte a été adopté par près de 94 % des votants, mais avec une faible participation (environ 30 %), ce qui a miné sa légitimité. Cette nouvelle Constitution renforce les pouvoirs du président, qui devient de facto le centre du système politique tunisien, au détriment du Parlement et du gouvernement. Elle supprime le poste de Premier ministre, et confère au président un contrôle direct sur le pouvoir judiciaire, limitant ainsi la séparation des pouvoirs, essentielle dans toute démocratie.


Le processus de révision constitutionnelle a été critiqué par les organisations de la société civile et de nombreux partis politiques, qui y voient une tentative de Saïed de mettre en place un régime autocratique. Le président a également modifié le mode de fonctionnement du Parlement, qui est désormais réduit à un rôle consultatif, et le système électoral a été réformé pour limiter les chances des partis traditionnels de s'impliquer à nouveau dans le processus politique.


L'autoritarisme s’installe : répression et contrôle social

Au-delà de la révision constitutionnelle, la dérive autoritaire de Saïed se manifeste par une série de mesures répressives à l’encontre des opposants politiques, des journalistes et des activistes. L'usage de la justice comme instrument de répression est devenu de plus en plus fréquent, avec des arrestations d’opposants et des intimidations contre les voix critiques. Le climat de liberté d’expression et de droit à l’information, qui avait été restauré après la révolution de 2011, est désormais menacé. Les médias indépendants font face à des pressions croissantes, et des journalistes sont harcelés.


La répression de la contestation populaire a également été un signe évident de la dérive autoritaire. En 2023, plusieurs manifestations contre la gestion économique et politique de Saïed ont été violemment réprimées. Ces manifestations, souvent portées par des jeunes tunisiens frustrés par le chômage et la crise économique, ont montré un fossé grandissant entre les aspirations populaires et la direction prise par le régime.


Une politique économique déstabilisante

La Tunisie traverse une grave crise économique, marquée par une inflation galopante, une dette publique élevée et une économie en déclin. La gestion économique du régime Saïed a été largement critiquée, en particulier en raison de son incapacité à faire face aux problèmes économiques et sociaux du pays. Le gouvernement tunisien a du mal à obtenir des aides financières internationales en raison de l'isolement croissant de Saïed sur la scène internationale, et la Tunisie fait face à des tensions avec ses partenaires traditionnels, notamment l'Union européenne et le FMI.


La situation économique a alimenté le mécontentement populaire, et malgré les promesses de Saïed de restaurer la justice sociale, la situation ne s’est pas améliorée. La politique autarcique et le rejet de certaines réformes économiques demandées par les bailleurs de fonds internationaux ont exacerbé les difficultés du pays.


La question des droits de l'homme et des libertés publiques

L’un des aspects les plus inquiétants de l’évolution politique sous Saïed est la régression des droits humains. Les arrestations arbitraires, l’utilisation du système judiciaire à des fins politiques et la limitation de la liberté d'expression sont devenues des caractéristiques majeures de son régime. L'Organisation Human Rights Watch et d'autres ONG ont régulièrement dénoncé des violations des droits de l'homme, notamment des emprisonnements de figures de l’opposition politique et des activistes, ainsi que des pressions sur les médias.


En 2023, des voix se sont élevées, à la fois en Tunisie et à l'international, pour dénoncer la dérive autoritaire du président. La société civile tunisienne, autrefois un acteur clé de la transition démocratique, se trouve désormais face à un environnement hostile, où la liberté d'organisation et d'expression est de plus en plus restreinte.


Conclusion : Un régime de plus en plus autoritaire

Depuis le coup d'État de juillet 2021, Kais Saïed a mis en place un régime de plus en plus autoritaire, concentrant les pouvoirs entre ses mains tout en limitant les espaces démocratiques et les libertés publiques. Son projet de "nouvelle république" semble s’éloigner de l’idéal démocratique porté par la Révolution tunisienne de 2011, et la situation politique et économique du pays semble se détériorer sous l’effet d’une gouvernance de plus en plus centralisée et répressive.


La Tunisie, autrefois perçue comme un modèle de transition démocratique dans le monde arabe, se trouve aujourd'hui à un carrefour critique. La dérive autoritaire de Saïed et son approche répressive des contestations internes risquent de compromettre les acquis démocratiques durement gagnés et d’éloigner le pays de la voie de la réconciliation et du progrès social. Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de la démocratie tunisienne, et les réactions de la société civile et de la communauté internationale joueront un rôle clé dans l’évolution de la situation.