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Harcèlement de l’opposition par Kais Saïed : Une cible privilégiée, le mouvement Ennahdha





Depuis son accession à la présidence de la Tunisie en 2019, Kais Saïed n’a cessé d’intensifier ses attaques contre l’opposition politique, particulièrement contre le mouvement islamiste Ennahdha. En s’appuyant sur une rhétorique populiste et en exploitant les leviers de l’État, Saïed a cherché à marginaliser, déstabiliser et même criminaliser ses opposants, et ce, à travers une série de mesures et de discours hostiles. Le cas d’Ennahdha, l'un des partis les plus influents et les plus structurés du pays, illustre de manière frappante cette stratégie de harcèlement politique qui vise à renforcer l’autoritarisme et à détruire les bases de la démocratie tunisienne.


L'attaque systématique contre Ennahdha : un parti mal vu par le président


Ennahdha a été, depuis sa fondation, un acteur clé de la scène politique tunisienne, et particulièrement après la révolution de 2011. En tant que plus grand parti représenté au Parlement après les élections de 2019, il a souvent été au centre des débats politiques, souvent critiqué par ses adversaires pour ses compromis avec le système politique traditionnel. Cependant, pour Saïed, le mouvement représente un adversaire idéologique, en raison de son ancrage islamiste et de ses liens avec les partis politiques traditionnels qui, selon lui, ont contribué à la "corruption" et à la "faillite" du pays.


Le président a rapidement dépeint Ennahdha comme étant responsable de tous les maux du pays, un discours qui a trouvé écho parmi ses partisans, mais qui a profondément divisé la société tunisienne. Saïed n’a pas hésité à utiliser son pouvoir pour accuser le parti d’être impliqué dans des complots contre la stabilité du pays, sans fournir de preuves concrètes. Dans ce contexte, Ennahdha est devenu le bouc émissaire de l'instabilité économique et politique que traverse la Tunisie sous son régime.


 Les arrestations et les procès : un outil de répression


L'un des aspects les plus inquiétants du harcèlement de l'opposition par Saïed est l'utilisation du système judiciaire à des fins politiques. Depuis le coup d'État du 25 juillet 2021, où Saïed a suspendu le Parlement et pris des pouvoirs exceptionnels, plusieurs dirigeants d'Ennahdha ont été arrêtés ou accusés de corruption, de complot contre l’État ou d’atteinte à la sécurité nationale. Des figures de proue du parti comme Rached Ghannouchi, l'ex-président du Parlement, ont été visées par des poursuites judiciaires, tandis que des membres influents du parti ont été emprisonnés sans jugement ou sous des accusations floues.


Les arrestations ont été accompagnées de campagnes médiatiques visant à discréditer le mouvement, avec des accusations de corruption et de manipulation des affaires publiques. Dans un contexte de répression généralisée, les tribunaux ont souvent agi sous pression politique, avec une indépendance de plus en plus mise en doute. Plusieurs observateurs et organisations des droits humains ont dénoncé ces procédures comme étant des tentatives de Saïed de liquider politiquement son opposition en utilisant des moyens juridiques, alors même que le droit à un procès équitable est bafoué.


 Les discours haineux et les incitations à la division


Outre les mesures légales, Saïed a également eu recours à des discours publics violents et polarisants pour attaquer Ennahdha. Par des déclarations publiques, notamment à travers des discours télévisés, il a répété que le pays était dirigé par des "traîtres" et des "corrompus", visant sans ambiguïté les leaders d’Ennahdha. Dans ses interventions publiques, il a accusé le mouvement de détruire la Tunisie, de manipuler les institutions et de vendre le pays à des puissances étrangères.


Ces discours ont servi à légitimer la répression politique et à galvaniser une base de soutien qui considère Ennahdha comme une menace pour la stabilité et la "pureté" du projet de Saïed. En attaquant violemment le principal mouvement islamiste du pays, Saïed a cherché à instaurer une sorte de "choc des civilisations" entre ses partisans et ceux d’Ennahdha, exacerbant les divisions sociales et politiques dans un pays déjà fragile après la révolution.


La manipulation des médias et la restriction de la liberté d'expression


La stratégie de harcèlement de Saïed ne s’est pas limitée aux arrestations et aux discours incendiaires. Le président tunisien a également cherché à restreindre la liberté d’expression et à contrôler les médias pour renforcer son emprise sur le pouvoir. Les chaînes de télévision indépendantes et les sites d’information en ligne critiques à l’égard de sa politique ont été soumis à des pressions croissantes, notamment par des accusations de diffamation ou de diffusion de fausses informations. 


Les journalistes qui s’opposent au régime sont régulièrement intimidés, et des pressions sont exercées sur les médias pour censurer les opinions dissidentes. Cette situation a eu des répercussions dramatiques sur la liberté de la presse en Tunisie, qui était l’un des acquis majeurs de la révolution de 2011. En manipulant les canaux d'information, Saïed cherche à construire une image de lui-même comme sauveur de la nation, tout en effaçant les voix qui pourraient critiquer ses méthodes autoritaires et ses choix politiques.


 Ennahdha face à la répression : résistance ou soumission ?


En réponse à ces attaques incessantes, le mouvement Ennahdha a cherché à maintenir une posture de résistance, appelant à la mobilisation populaire contre les dérives autoritaires de Saïed. Cependant, face à l’intensification des répressions, certains membres du mouvement ont choisi de prendre du recul, en raison de la pression judiciaire et sociale, tandis que d’autres continuent de dénoncer ce qu’ils appellent une dérive dictatoriale. 


Malgré tout, Ennahdha reste une force politique majeure en Tunisie, et même si elle est affaiblie par la répression, elle continue de jouer un rôle clé dans le paysage politique tunisien. Cependant, la situation actuelle laisse planer un doute sur la capacité du parti à se redresser sous l’attaque systématique de Saïed.


Conclusion : Vers une érosion de la démocratie tunisienne ?


Le harcèlement d’Ennahdha par Kais Saïed s’inscrit dans une dynamique plus large de concentration des pouvoirs et de suppression des voix dissidentes. En cherchant à éliminer son principal adversaire politique, Saïed met en danger les acquis démocratiques de la Tunisie. En effet, si ce genre de répression continue, le pays risque de sombrer dans une forme de dictature déguisée, où la liberté politique et la pluralité d'opinions seraient de plus en plus menacées.



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